Compte-rendu de l'atelier du 14 janvier

Deux bouteilles, six bières et deux exercices plus tard, voici le résultat de nos efforts. Je commence en postant mes textes, dans l'ordre de leur rédaction, et je n'en dis pas plus... Nous proposons à ceux qui n'ont pas assisté à l'atelier de deviner quelle était la consigne!
Au niveau organisation, nous avons procédé comme suit : choix d'une contrainte, 20 minutes de rédaction, relecture.

1

Une pinte. Une grande pinte transparente, d'où montaient des bulles comme des milliers d'ascenseurs dans une tour de verre. Au fond, mon regard se perdait, accroché par la surface floue d'une table en bois, et d'un nœud dans cette table. Malheureusement, ne s'y trouvaient pas encore mes remords. Le liquide ambré diluait les rayons du soleil. Je le tournai et retournai dans la lumière. Blé mûr, or fondu, toutes les métaphores y passèrent - et s'y noyèrent. Ce qui en troubla la couleur. Je pouvais maintenant distinguer l'ombre de la trahison, théâtrale derrière son rideau fauve. Comme une tâche d'huile, menaçant de s'étendre. Au-delà de l'été, des tournesols éclatants, il y a toujours la promesse de l'orage. Ma bière me faisait maintenant l'effet d'un bock de pisse.

A l'intention de ceux qui étaient là : j'ai zappé la dernière phrase, qui mentionne la consigne

2

Philippe transpirait. Je ne pouvais pas détacher mon regard des gouttes de sueur qui dégouttaient (oui bon je sais) sur son col. J'avais même l'impression que mon cœur battait à l'unisson. La tension dans l'air était si palpable qu'elle tressait des fils métalliques entre nous. Comme une image de la toile dans laquelle nous nous étions piégés. Les portes de la fourgonnette se sont ouvertes. La fournaise nous a saisis à la gorge. Les gens marchaient au ralenti. Le portes de la tour s'ouvraient, se refermaient. Une plante carnivore, terriblement efficace. Happés dans le gosier du monstre, nous avons marché avec une nonchalance à laquelle nous ne croyions pas. Ouvert, fermé.
Ouvert... Fermé!
L'air conditionné a collé nos vêtements sur nous, comme une nasse supplémentaire, pour nous rappeler que nous étions déjà pris. Nous nous sommes dirigés vers l'ascenseur. Encore un piège. De plus en plus serré. Et nous sommes montés, gravissant l'œsophage tel un relant nauséeux. Finalement, nous contrôlions plutôt bien la situation.

1

Le soleil peignait les champs en couleurs chaudes et mouvantes au gré du vent. Des étoiles s'allumaient dans le lointain, dansant dans les champs de blé illuminés. Là, un massif de fleurs vives ouvraient leurs corolles dorées aux rayons affaiblis du crépuscule. La lumière déchirait les nuages à l'Ouest, enflammant leurs silhouettes sombres. Tout près de l'horizon s'ouvrait un vaste lac, brillant comme du métal fondu, irradiant de reflets la forêt de roseaux alentour. Chaque plante paraissait se gonfler de la lumière défaillante, comme pour l'absorber afin de planter dans la nuit à venir des lanternes dispensant une chaude lueur contre le ciel enténébré.
Ainsi le crépuscule s'attardait dans les champs, et les plantes réchauffées toute la journée exhalaient une douceur mêlée de parfums attiédis et fugaces. Le soleil se retirait avec lenteur, assombrissant lentement les champs brillants.

2

L'hôtesse d'accueil ouvrit des yeux ronds. Un groupe de cinq personnes, portant des cartons apparemment très lourds, franchissaient le seuil de l'immeuble. Un détail clochait chez eux. Elle n'aurait pas su dire quoi exactement. Celui à droite, qui portait une barbe et avait un regard fuyant, marchait vouté, et jetait des coups d'oeils nerveux alentours, comme s'il s'attendait à être repéré et jeté dehors d'un instant à l'autre. Il y avait une femme, qui semblait plus détendue, mais l'hôtesse put remarquer la sueur qui perlait sur son front. En fait, ils paraissaient tous traqués, fiévreux, mais déterminés. Où était ce foutu vigile ? fulmina l'hôtesse pour elle-même. Elle se leva, se para de son plus beau sourire et lança d'un ton poli : "Puis-je vous aider ?"
Aucun d'eux ne la regarda. Ni même ne fit mine de l'entendre. En revanche, ils accélérèrent imperceptiblement le pas. Estomaquée, l'hôtesse réitéra ses appels. Trop tard, ils entraient dans l'ascenseur. Elle décrocha son téléphone.
"Sécurité ?" La tonalité résonna dans le combiné, imperturbable.
Mais qu'est-ce que... Un instant plus tard, les lumières s'éteignirent. Dans la semi pénombre, l'hôtesse consulta ses écrans de contrôle. Une neige noire et blanche crépitait sur tous les écrans. Elle se leva une seconde fois, assaillie d'un pressentiment horrible. il allait se produire une chose épouvantable. Elle se dirigea vers la sortie d'un pas raide. Les portes automatiques refusèrent de s'ouvrir.

Si vous n'avez pas le temps de taper vos textes, je peux passer les prendre chez vous ou on peut se retrouver en ville, si vous voulez. Le fait est qu'on ne peut pas attendre quinze jours pour poster le compte-rendu d'un atelier Et j'ai suffisamment de temps pour le faire à votre place! (j'ai de la chance hein!)

euh, je m'en occupe ans la journée, moi...

D'accord

Les miens sont en possession de Linaka

Et alors qu'on aura pissé des litres et rit sans y croire à des plaisanteries douteuses, on rentrera dormir, sous des étoiles floues à la Van Gogh. La lueur fauve filtrera à travers ce grand parapluie qui nous aura servi de ciel. Et puis, dans un instant nauséeux, nos estomacs joueront la gigue de la bile. Et l'on restera, pris de convulsions extatiques, à contempler le fruit de nos entrailles, un mélange aléatoire de frites et de mayonnaise.
Parvenu après une longue marche en cet endroit reculé où l'on trouve le repos, on sombrera dans un sommeil plein de sueur.
Lorsqu'on se réveillera enfin, les derniers rayons du soleil perçant les rideau de nos paupières, on percevra encore dans les reflets de lumières les échos de nos heures passées. Comme un mauvais souvenir. Non. Un mauvais souvenir. Alors on attendra, sans trop oser bouger qu'à nouveau des éclats d'or parsèment la nuit. Et ceux-ci ne nous rappellerons pas le vent dans les blés, mais bien le bruit cristallin des verres qui s'entrechoquent et celui, plus sourd cette fois, de ces mêmes verres qui regagnent la table en bois.
Et puis, peut-être, on se souviendra aussi de cette fille à la blondeur bouclée qui nous aura sourit, subrepticement, au détour d'un regard. Alors seulement, peut-être, on aura le début d'une mémoire apaisée.

hop, moi j'ai pas fait de second texte.

Pour ceux qui n'étaient pas là, on vous laisse vous amuser à trouver les contraintes du premier, le second étant nettement plus taquin à deviner. bon courage :p

1/ Pamphlet contre X

Soleil tombé au cœur d'une marguerite surgie de l'herbe verte, adouci par le tendre blanc des pétales, ou poussin exsudant le ridicule, signal de détresse pour la mère qui le cherche – couleur étrange, inadaptée à l'homme! Tu as causé tant de sang et de sueur, tant de déchirements et de meurtres, quand l'homme avide du Far West et d'ailleurs te cherchait dans les entrailles de la terre, travaillait ta matière métallique pour s'en parer. Mais une fois paré de plumes de poussins, de cœurs de marguerites ou de citrons dorés, l'homme attire le ridicule sur soi – ô condamnable entre tous! Mariée au bleu mystique, ton amant, ton frère, pourtant tu enfantes alors un souvenir de toi, un beau vert qui apaise l'œil et inspire le poète. Mais seule, quel poète oserai seulement jeter un vers sur toi? Seuls les yeux des bêtes sont à ton image, quoique plus ambrés et plus riches ; la jonquille, avec son nez en trompette baroque, serait une insulte à toute femme. Les amoureux de la fée verte ne te reconnaissent pas dans les profondeurs de leur bouteille, et Charles lui-même, qui pu couper en césures une charogne, n'a trempé sa plume dans ton encre. Cache-toi aux profondeurs du spectre, toi que l'infamie a touchée! Les époux des femmes trop jolies t'en sauront gré.

2/ Man on wire

J'avais peur, étant la seule femme du groupe, de devoir séduire la sécurité du World Trade Center, mais les autres n'avaient même pas évoqué cette possibilité pendant les préparatifs. J'étais la première qu'ils avaient contactée : depuis toute petite je faisais partie d'un club de tir à l'arc. J'avais gagné plusieurs coupes prestigieuses, et ils m'avaient repérée grâce à cela. J'étais flattée, en un sens : cette entreprise nécessitait un sang-froid certain, et ils avaient eu l'intelligence d'aller au-delà de leurs préjugés en me choisissant. C'était néanmoins une expérience nouvelle pour moi : pas de coupe, mais pour récompense l'emprisonnement ou la gloire gravée dans l'Histoire.
Jean-Louis travaillait dans un cirque, auparavant. Il avait été choisi par hasard, quand Albert et Daniel traînaient en France à la recherche d'esprits aventureux.
C'est quand nous nous sommes retrouvés au sommet du World Trade Center que j'ai vraiment commencé d'y croire. Tout s'était passé remarquablement bien, selon le plan, ce qui ne nous empêcha pas d'avoir des sueurs froides dans l'ascenseur à chaque fois qu'il s'arrêtait pour prendre un nouveau passager.
A 3:30 pm, nous étions tous prêts. Philippe et Jean-Louis étaient en face de nous, sur la tour jumelle de la nôtre, et attendaient sagement tandis que je retirais l'arc de son tube d'architecte. Je pouvais entendre Philippe travailler en face, alors que les sons de la rue nous parvenaient si étouffés et amaigris. Enfin, le moment vint, et il fallut se concentrer pour que ma flèche, alourdie par le fil, parvienne sans encombre de l'autre côté – ce qu'elle fit. Daniel me tapa sur l'épaule pour me féliciter, puis nous attendîmes.
Jean-Louis avait revêtu ses chaussons, qui lui donnaient un air ridicule de ballerine selon lui, et je pouvais sentir sa concentration par-delà la distance. Enfin, il posa le pied sur le fil qui reliait maintenant les deux tours, et commença à avancer, tirant une corde après lui.

Nous avons cru mille fois qu'il tomberait, et il finit par tomber. Ou plutôt par se lancer du haut de son fil. Mais au-dessus de lui, l'accompagnant dans son vol retenu par un parachute, notre banderole géante se déployait, magistrale dans ses drapés révolutionnaires.
Pour quelques temps, jusqu'à ce que les vigiles alertés montent les multiples étages, la photo de Nixon recevant les hommages particuliers de son ministre de la guerre fut pendue entre les deux tours de l'orgueil américain.

Voilà - je me débrouille pour poster aujourd'hui tes textes, Antoine

Bonsoir,

La consigne est elle jaune ?

ouais presque, mais sans le dire