Graham Joyce, Requiem

Kalys Sam 26 Jan - 20:33

Graham Joyce – Requiem

Il ne faut pas se fier à la quatrième de couverture, dont l'auteur n'a apparemment pas lu le livre. Il y est fait mention de Tom Webster, et de sa certitude selon laquelle tout s'arrête avec la mort. Si le héros de cette histoire s'appelle bien Tom, Webster n'est pas son nom mais celui de son amie Sharon, et c'est au contraire un chrétien, qui parfois doute, comme tout un chacun, mais croit néanmoins à la vie de l'âme hors du corps – ce qui est bien logique pour un chrétien.

Le roman débute au moment où Tom quitte le lycée où il était enseignant. Sa femme est morte depuis un an environ. Mû par une impulsion, Tom, qui évite soigneusement d'évoquer les raisons de son départ, prend l'avion pour Jérusalem. Il veut y retrouver Sharon, une vieille amie, et aussi découvrir la ville que sa défunte épouse avait si envie de visiter avec lui.

Jérusalem. L'endroit où même la poussière est sacrée. La cité où toutes les religions occidentales se touchent sans jamais se mélanger. La ville-illusion, où les lieux célèbres ne sont pas exactement à leur emplacement d'origine.

Tom y fait la connaissance de David, un vieil homme excentrique, qui lui remet plus ou moins de force des fragments d'un manuscrit de la Mer Morte. Il les confie, pour les traduire, à Ahmed, un ami de Sharon qui fume du hash en permanence et ne dort pas de la nuit afin de tenir éloigné son djinn, dit-il. Dans le même temps, Tom explore la ville. Et chaque fois qu'il sort, il croise une terrifiante vieille femme qui semble le poursuivre. Peu à peu, il bascule dans la folie. Les hallucinations se succèdent au rythme des voix qui lui content des histoires oubliées. Katie, son épouse, se substitue à Marie-Madeleine pour lui faire le récit inlassable d'un complot ourdi contre Jésus.

Vous l'aurez compris, ce livre est difficile à résumer. Les personnages, tous étonnants, guident ce récit mystique, aux accents politiques. Folie et réalité sont bien plus inextricables qu'il n'y paraît. Pourtant, le texte de Joyce n'est ni gratuit ni banal. Il s'en dégage une très grande poésie, liée au sentiment du sacré qui le parcourt comme un réseau de veines. Le style est vif : les phrases sont courtes, sans verbiage, et elles frappent juste. D'une grande sensibilité, Joyce connaît bien ses héros, qu'il a créés convainquants et pourtant extraordinaires. Le livre parle de religion, mais aussi, et surtout, du deuil, du sexe et de la culpabilité. Le surnaturel y est extrêmement subtil, les interprétations sont peu sûres et multiples. Djinns et fantômes sont porteurs de significations profondes.

En ouvrant ce livre, vous ferez un voyage aussi fascinant que dangereux, au fil d'un récit pour le moins original. Le simple choix de Jérusalem induit des possibilités peu explorées par la littérature fantastique, qui aime se cantonner aux manoirs gothiques et aux paysages désolés. Graham Joyce a reçu le British Fantasy Award. Il l'a bien mérité!