L'oisiveté

"I often tell people that the real difference between people who do write books and people who don't write books, it's not genius, it's not even having a story to tell, because everybody has got a story to tell, but it's the unnatural ability to sit down and do it."
Dixit Greg Keyes, auteur de fantasy, et c'est pas parce que je le connais depuis les Utopiales que je mets cette phrase, mais pour lancer un sujet assez grave (sisi). Sans vouloir faire offense à personne, voici la traduction:
"Je dis souvent aux gens que la véritable différence entre les gens qui écrivent des livres et les gens qui n'en écrivent pas, ce n'est pas le génie, ce n'est même pas d'avoir une histoire à raconter car tout le monde a une histoire à raconter; non, c'est la capacité non-naturelle de s'asseoir et de le faire".
Bon, en anglais ça sonne plus "prophétique", mais c'est ça.
Quelle est la première cause de mort intellectuelle dans l'oeuf de jeunes écrivains?
C'est ça. C'est qu'entre rêver d'écrire, penser à écrire, et le faire, tous les jours, même quand c'est chiant, il y a un fossé énorme. Parce qu'il est très facile de se laisser aller à vivre simplement avec des histoires dans sa tête mais pas sur le papier. Des débuts d'histoires, jamais achevées, un belle phrase notée sur le moment et jamais complétée. Tous ces petits drames, ces petites lâchetés: je ferai demain, allez, dès les vacances j'écris, j'écrirai au printemps, là il fait trop moche, j'écrirai quand j'aurai un pc portable.
Bon, j'applique peut-être mon cas à trop de monde, mais il y a au moins deux personnes que je connais pour qui c'est le cas, et j'en prends moi-même la voie.

Et vous?

Bah du coup je ne me sens pas le droit de répondre, puisque t'as déjà dit à mots couverts que c'était mon cas

Cette phrase est d'une extrême justesse en ce qui concerne les aspirants écrivains. A mon avis elle n'est pas généralisante parce qu'il y a réellement des gens qui n'ont rien à raconter. Pour ma part, elle est valable dans tous les aspects de ma vie : je remets toujours tout au lendemain. Demain je bosse mes cours, demain j'arrête de boire, demain j'écris. Quinze fois déjà j'ai pris la résolution d'écrire un truc par jours, quinze fois je me suis dit que je ne boirais que du thé ce soir.
Cependant, ayant traversé une longue crise de doute, de remise en question des moindres aspects de ma personnalité, je crois pouvoir espérer me remettre au boulot sérieusement, écrivant un énième début, qui cette fois sera le bon, j'en suis sûre. Et je tuerai sauvagement l'oisiveté, c'est juré

Tout à fait exact de dire qu'il y a un fossé entre rêver de le faire et le faire réellement au jour le jour, c'est comme quand je rêve de faire la guerre c'est pas demain que je serai chevalier.
Mais l'écriture n'a pour le moment rien d'un métier, personnellement si je la remets à plus tard c'est parce que j'estime qu'il est idiot de chercher à écrire quand on n'a rien à dire. Je ne vais pas me fustiger pour être une fausse écrivaine, la période n'est pas faste, elle ne l'est pas depuis que j'ai achevé un putain de roman de 83 pages. Si ça se trouve j'aurais du faire comme Rimbaud et arrêter après ce truc. M'enfin je suis acharnée et je cherche comment continuer Je n'ai pas l'équilibre nécessaire pour me poser devant mon bureau et écrire. voilà

Tu as tout à fait le droit de répondre, Kalys, étant donné que je ne parlais pas de toi et que je pensais pas vraiment à toi comme atteinte d'oisiveté! Si tu penses aux deux personnes, ce sont Fred et Vincent, qui écrivaient à notre âge et qui depuis ont abandonné en grande partie par flemme. Je ne me permettrais pas de dire que t'es qu'une grosse feignasse
Par contre, je te prends au mot quand tu jures de tuer l'oisiveté, ne serait-ce que pour clouer le bec à tous les blasés!

Wouaaais!

Mais si c'est vrai justement, je suis une grosse feignasse!

C'est pas cette petite peste de oche qui m'avait promis une réponse sur l'oisiveté, hmm?

Ouais, je suis d'accord avec Muriel. C'est que je suis vraiment un farniente, comme on dit chez moi dans le sud, mais ce qui m'énerve c'est le manque de temps. J'ai jamais autant eu besoin d'écrire que ces deux dernières années (et oui le monde du travail me fait accumuler encore plus d'angoisses et d'incertitudes, et donc encore plus de trucs à jeter dehors.) et j'ai jamais aussi peu de vacances que ces deux dernières années. Je rêve d'être publié rien que pour avoir le temps d'écrire, le temps de vraiment bosser sur ce que je créee.

Ouuuuh alors ça je comprends, et je compatis mille fois... J'ai la chance d'avoir de longues vacances pour écrire, j'espère que les tiennes viendront quand même un de ces quatre!

L'Etat devrait nous donner une bourse pour qu'on puisse écrire, merde alors!

haha ! Tu parles de l'Etat de droite qui supprime lentement mais sûrement toutes les subventions à la culture au profit de Tf1-Mcdo-Star Ac ?

Heuuuuuuh oui je parle de celui-là!

Nan mais c'est vrai quoi, au Québec tu peux avoir le statut d'artiste, et beaucoup de trucs te sont payés par l'Etat! C'est pas en France qu'on nous ferait ça tiens!

C'est vrai que ça serait bien d'avoir plus de considération pour la culture en général. L'exception culturelle française, je sais même plus ce que c'est tellement on n'en voit pas les conséquences!
Cependant, je trouve ça surprenant que ce soit toi qui dises ça Linaka, dans la mesure où tu n'es pas obligée de travailler pour vivre...

Le plus drôle, c'est quand même ce con de Gaudin, maire de ma (encore) "belle" ville de Marseille qui prétend faire de la ville LA capitale de la culture alors que tout ce qu'il a fait pendant 12 ans de mandat c'est supprimer toutes les subventions à la culture ! Résultat : l'opéra tombe en ruine, les théatres ferment... bravo la droite.

Euh avant toute chose, je ne suis pas un trés bon "écrivain", ni un écrivain tout court alors...
En tout cas pour le peu que j'en connais l'écriture est un travail long, fastidieux, souvent ennuyeux et chez moi rarement aboutis...
Le plus gros probléme c'est le temps. Entre le travail et la lecture il ne reste pas trés longtemps...Mais bon, pour ma part je ne sors jamais sans mon cahier et j'écris dans le métro, au café et dés que j'ai le temps...Du moins j'essaies...

Aprés il y a le statut. Peu peuvent y prétendre. Et je crois que cela vient des pouvoirs publiques et de tout bord. Le therme exeption culturel (qui est en faîtes pour moi une forme de replis...) est une expression qui voit le jour sous un gouvernement socialiste. Aprés il est vrai que les "autres" continuent sur la même lancé.
Quant à dire je reste chez moi et j'écris, on va vous prendre pour un fou, un fainéant ou je ne sais quoi...
Mais bon, il faut s'accrocher, chercher à trouver le temps. Je crois que c'ets ça le plus dure. pour en avoir parler avec des auteurs confirmés c'ets un peu la même chose : le temps...
Je ne sais pas comment ils font. Pour moi, une nouvelle qui va se voire refuser partout c'est trois à quatre mois de travaille...Alors écrire un roman...Oulala impossible...Si en plus vous ajouter à çà le manque d'expèrience, les doutes etc..etc...
Il faut continuer à y croire quand même!! Et puis ce qui compte, c'est de se faire plaisir et de s'évader un peu!!

Tout à fait!

Tu sais aucun d'entre nous n'est écrivain professionnel. On tâtonne, on essaie... Pour ma part, je n'ai jamais abouti aucun projet, même si j'espère vivement que celui sur lequel je travaille en ce moment sera achevé... Mais vu que j'écris très lentement et que c'est parti pour être un roman, j'en ai pour dix ans Et pourtant moi je ne travaille pas beaucoup (pour gagner de l'argent je veux dire). J'ai beaucoup de temps libre, mais c'est vraiment difficile d'avoir toujours de l'inspiration, d'écrire toujours bien, de formuler de belles phrases qui font mouche... Je trouve ça très, très dur. Mais bien que je sois une flemmarde patentée, je continuerai toujours, c'est la seule chose que je n'ai jamais abandonnée, quels que soient mes doutes... Et advienne que pourra!

Ouais et puis comme tu le disais un jour Kalys, dans un roman il y a beaucoup de temps morts et des fois on s'ennuie dans les transitions... Personnellement parfois je suis rebutée par le manque de spontanéité dans le roman, où il est nécessaire d'être cohérent, documenté, etc. Mais c'est aussi une entreprise passionnante, ça nécessite plus de travail, voilà tout...

On est un peu tarées quand même, de s'escrimer à écrire des passages chiants lol. Mais bon, c'est ce qui fait tout l'art justement, c'est d'être toujours intéressant...

cette conversation a au moins 13 mois (voire il date de 2008) ! bon anniv
non, plus sérieusement, en partant du principe que les gens ne changent pas, ou en tout cas rarement d'eux même ! par exemple, les bonnes résolutions sur les manières d'être, je n'y crois pas trop ! sur la consommation de cigarettes, cafe, nourriture, voire même s'astreindre à écrire un peu ... on rentre dans le domaine du consciemment faisable !
question aux personnes qui étaient présent(e)s à l'époque : avez-vous réussi à faire évoluer vos habitudes ? à rentrer dans une oisiveté active ?

... bon, je ne vois pas l'interet d'en sortir d'un coup ! ça serait plus probable d'être happé par un travail, une idée d'écriture, autre ... et de se rendre compte en faisant un bilan après quelques-mois que l'on est sorti de l'oisiveté sans même s'en rendre compte (en écho au fait que les gens changent rarement d'eux-même, j'ai l'impression que l'on fait, et qu'il ne faut pas se dire que l'on va faire ... mais je ne sais pas si cette logique s'applique à tous !)

concernant the unnatural ability to sit down and do it -- et je suis d'accord avec l'auteur du roi de bruyere -- on vit dans une époque où tout va rapidement ! on est plus habitué à écrire des choses en instantanées (mails, messages sur le forum et commentaires sur des sites/blogs d'amis sont autant de débuts de pistes ... mais l'instantané peut être chronophage et d'une longueur certaine !!! les lignes web correspondent pas vraiment aux lignes écrites à la main, ou celles que l'on peut trouver dans des livres -- je n'ai pas dit grimoires ) mais je ne pense pas que celà soit si simple d'aller contre cette tendance qui nous entoure, et de prendre le temps de construire !
sachant que même si l'on commence à prendre le temps de s'assoir, le plus dur reste surement l'astreinte de continuer jusqu'à ce soit terminé. sachant qu'il y a de fortes chances pour que l'on ne soit même pas satisfait du travail effectué ! (nouvelle contrainte) et que même dans le cas contraire, il faudra bien le montrer à quelqu'un un jour ou l'autre, pour affiner le tout, donc accepter de "subir" des critiques, donc ouverture ...

... sachant qu'il faut aussi prendre le temps de vivre, et prendre soin de ne pas s'enfermer dans la création (comme disait ma maman, la vie c'est comme une boite de chocolat ...)

tout ceci est bien entendu purement théorique, puisque je n'ai pas encore passé le premier stade ... je n'en suis qu'aux notes, incipit et documentation ; mais je m'étais fait la reflexion que je n'écrivais pas uniquement pour écrire mais aussi pour me découvrir et en apprendre plus sur le monde !.. à moins que celà ne soit une excuse pour s'auto-satisfaire du fait que je ne suis pas passé à la phase d'écriture ? bref, je vis bien la procrastination et autres digressions

@kalys : un exemple de passage chiant sur lequel tu t'es vaillamment escrimée ?

Je suis plutôt d'accord avec toi, Dje. C'est vrai que notre mode de vie contemporain est assez particulier. On communique beaucoup, parfois trop, et tout est propice à nous éviter l'introspection.
Effectivement pour ma part je suis sortie de l'oisiveté à cause/grâce (c'est seln ) du travail, étant donné que je suis très prise, au moins psychologiquement, par mon double cursus, car il m'intéresse et est donc un constant sujet de pensée/préoccupation, comme peut l'être un roman. Du coup, je me consacre beaucoup moins à l'écriture. Mais j'espère aussi pendant ce temps apprendre la concentration à long terme, et revenir plus enrichie et plus stable pour me relancer plus profondément dans l'écriture. Nous verrons, je ne suis pas inquiète

Pour ma part, la situation a un peu évolué, dans la mesure où ma pratique s'est un tout petit peu "professionnalisée", si je puis dire. Le roman ne concerne plus seulement ma petite personne, mais représente le projet de fin d'étude d'une amie. Du coup, même si je travaille encore de manière irrégulière, je prévois de longues plages de travail pour l'avancer. La première mouture devrait être prête d'ici deux mois maximum. Des retours positifs sur des nouvelles m'encouragent également à être plus sérieuse. En fait, je me suis aperçue que c'était ça que je voulais faire de ma vie, donc j'essaie

J'envisage l'oisiveté d'une manière nouvelle : quand je n'ai pas envie d'écrire, plutôt que de perdre complètement mon temps, je fais des recherches sur Internet, je pioche des idées au hasard de mes flâneries. J'essaie de faire en sorte que tout soit prétexte à réfléchir et à imaginer. Bref, je suis plus sereine

Je ne sais pas si c'est à cause de cet ère de l'instantané (sms, mails, forum), du fast-food et du "tout se perd" et "c'était mieux avant" que l'on se retrouve très "oisif" devant une feuille blanche. Sans doute en partie. Toutefois, c'est aussi grâce à tout cela que beaucoup plus de personnes écrivent, que ce soit sur des forums, ou des blogs. Quoiqu'en disent les nostalgiques des cours de français dispensés à la baguette, il y a, je trouve, une réelle culture naissante de l'écriture, principalement sur le net, accessible à tous, et souvent de bonne qualité.
Écrire un blog, c'est long, contraignant, et parfois, ce n'est pas aussi plaisant qu'on peut le croire. Lorsqu'on cherche à respecter un rythme, bien souvent, il faut se sortir les doigts du cul nez, et passer outre notre flemme.
Personnellement, je suis quelqu'un de particulièrement flemmard, et comme dit ailleurs, adepte (voire gourou) de la procrastination... Toutefois, depuis que je suis sur le forum et vous connais, que je participe aux ateliers virtuels, qu'on discute écriture et qu'on s'échange nos textes, une vraie dynamique est lancée, que je n'avais pas forcément avant. J'arrive aujourd'hui à me forcer à écrire (enfin... parfois).
De plus, puisque je tiens un blog que je cherche à mettre à jour toutes les semaines ou tous les dix jours, je suis bien obligé, comme dit précédemment, de me sortir de mon état larvaire afin de trouver un sujet et de le traiter.

Sinon, comme Kalys, je passe beaucoup de temps à chercher de nouvelles idées (sous mon chapeau ; je ne fais jamais de recherches particulières par contre - en tout cas pour l'instant), à les noter, à les reprendre, à boire des bières.

C'est vrai que notre époque nous permet une pratique plus régulière et plus diversifiée de l'écriture ; je pense qu'il faut en profiter à fond. Ecrire un blog, quand c'est fait avec un minimum de sérieux, est effectivement un très bon exercice. je pense que quand on cherche à bien faire, on ne peut que faire des progrès. Même discuter sur un forum permet d'apprendre à s'exprimer, et aussi/surtout à juger de l'impact de ce que l'on dit, et à quel point une formulation peut compter pour être compris...

Tout à fait. J'ai beaucoup appris en termes de formulation d'opinion et de rythme d'écriture depuis toutes ces années que je fréquente Internet. Et la création de l'asso m'a permis à moi aussi de me trouver, petit à petit, un rythme de travail plus soutenu, ainsi qu'un travail sur l'immédiateté (écrire en vingt minutes sans se relire finit par être instructif).

quand tu parles de réussir à trouver grace à la création de l'asso, c'est parce qu'en créant l'asso, tu as été obligé avec mu (et d'autres personnes à ce moment là ?) d'avoir une reflexion sur la manière dont vous vouliez vous positionner ? ou est-ce avec les divers échanges avec les diverses personnes rencontrées en son sein ? un peu des deux, ou peut-être absolument rien à voir ?

Kalys a écrit:un rythme de travail plus soutenu, ainsi qu'un travail sur l'immédiateté (écrire en vingt minutes sans se relire finit par être instructif).

les ateliers + le roman pour cette amie en m2 + les diverses nouvelles ... tu commences à bien arpenter le chemin, et vu que c'est en forgeant écrivant que l'on devient ... que du bon ! nous pourrons bientot t'appeler jeune maitresse (du fait de ta récente masterisation de l'art subtile des mots) en plus de dictatrice (+ muse dans mon cas) ... hehe

@mu : d'accord avec toi sur les progrès liés au sérieux de la rédaction d'un blog (ce qui n'est pas le cas de la plupart ... ), dans ce cas, en fonction du sujet, ça peut aider à developper/affiner/exercer ses capacités journalistiques, d'écrivain ou de chroniqueur !.. cependant

Maloriel a écrit:Même discuter sur un forum permet d'apprendre à s'exprimer, et aussi/surtout à juger de l'impact de ce que l'on dit

je pense que ça ne permet de j(a)uger qu'une partie de l'impact ! l'interactivité étant différente, je ne suis pas sûr que l'on ressente de la même manière ce que chacun va dire à l'oral (ie atelier irl) et exprimer par clavier ... ce qui ne veut pas dire que je place l'un au dessus de l'autre, il est possible d'avoir plus de retours sur la toile ! (a priori)

quoique, tout se perd : c'était mieux avant !