La première page

Discutant de cela tout à l'heure avec Kalys, j'en profite pour poster sur ce sujet qui tourmente sans doute plus d'un jeune écrivain.
Quand on projette de publier un livre, on pense évidemment à la personne qui va poser les premiers yeux officiels sur son texte. Alors vient l'angoisse de la première page : est-elle assez attrayante, attire-t-elle l'attention, ai-je réussi mes premières phrases ? Sont-elles bien écrites, fluides, efficaces ?
Quelle attention accordez-vous à vos premiers mots ? Réécrivez-vous plusieurs fois l'ouverture de votre roman ? Et, selon vous, que doit-elle contenir ? Doit-elle planter le décor, attirer l'attention sur les personnages, le décor ?
Enfin, qu'est-ce qui vous séduit dans les premières pages des romans que vous entamez ? Personnellement, j'ai pour habitude de feuilleter des livres dans les librairies ou maison de la presse, et je me fais une idée du livre en lisant la première page qui, souvent révèle immédiatement les possibles défauts d'écriture. Ou bien, elle m'enchante aussitôt, souvent par le style, qui est, quel que soit le sujet, ce qui me séduit tout de suite et me donne envie de poursuivre la lecture. D'ailleurs, à ce propos, j'aimais bien l'ancienne présentation des Pocket où la première phrase apparaissait sur la couverture. Il me semble que la première phrase d'un livre, que ce soit "Longtemps, je me suis couché tard" (Proust) ou bien "Frères humains, laissez-moi vous raconter comment ça s'est passé" (Litell), ou encore "Il devait être minuit quand Sarah fut soudain terrassée par le pressentiment d'une catastrophe imminente" (Brussolo dans Boulevard des Banquises) ; il me semble que les premières phrases ne sont jamais anodines. La première page révèle souvent le ton du livre, ou son projet d'écriture, ou met en place en quelques lignes, comme une esquisse, l'atmosphère et le genre.
Qu'en pensez-vous ?

J'accorde énormément d'attention à la première page, à tel point que j'ai réécrit celle de mon roman une dizaine de fois déjà, sans rire. Comme tu dis, elle est essentielle, parce que c'est elle qui va attirer, ou pas, l'attention du lecteur. D'abord parce qu'elle ne peut pas être innocente : quand on choisit de raconter quelque chose, il faut bien justifier notre point de départ : pourquoi est-ce que je commence mon histoire à ce moment? En quoi représente-t-il un début plus que n'importe quel autre moment? Et il faut également laisser entrevoir pourquoi on veut raconter cette histoire là plutôt qu'une autre. Sans en dire trop, ni sur les personnages si sur leur environnement, la première page doit à mon avis suggérer les enjeux du texte. Il ne faut pas qu'elle soit trop abstraite, parce que c'est souvent l'identification, ou du moins la possibilité d'imaginer, qui va faire de la personne qui feuillette un potentiel lecteur. Sans trop catégoriser non plus, je crois donc que le personnage principal devrait apparaître dans cette première page et qu'elle doit contenir une première esquisse du décor qui l'entoure. Cela dit, ça peut aussi être une autobiographie ou une imitation d'autobiographie, dans ce cas on verra plutôt apparaitre le contexte et les raisons de l'écriture.

Pour ma part je suis plutôt séduite par les débuts qui posent d'emblée un décor ou une intrigue originale, avec tout de suite de petits éléments qui dévoilent un univers qui, à défaut d'être inédit (on peut écrire sur le monde tel qu'il est), soit personnel. Mais j'aime que cette vision propre à l'auteur reste en filigranne : justement, j'ai plus de mal avec des auteurs comme Proust qui nous projettent directement dans leur âme et conscience, ne laissant aucune part à l'imagination du lecteur.
Sinon, je suis comme toi sensible au style, bien que cette notion soit assez inexplicable. Une première page réussie va à mon avis allier regard personnel et plume tout aussi personnelle mais également, habile. Les maladresses dans la syntaxe me repoussent très vite. J'ai pour habitude, contrairement à mon copain par exemple, de lire très attentivement, et d'accorder autant d'importance aux mots qu'à l'histoire.

Eh bien pour ma part, j'aime bien commencer l'histoire sans chercher à attirer le lecteur dans une scène d'action, ou dans un moment clef. Ca me paraît être une technique "commerciale" qui ne me va pas. J'aime au contraire prouver qu'il ne se passe rien; un décor tranquille, calme et agréable, sans action particulière. Par la suite, poser des éléments perturbateurs qui viennent déranger le cadre tranquille, oui, mais petit à petit. J'aime prendre d'abord le temps de développer l'univers et de plonger dans l'ambiance.
C'est pour ça que j'ai du mal avec les livres qui entrent tout de suite dans le vif du sujet; on se trouve avec un personnage dont on ignore tout, qui fait quelque chose qu'on ne comprend pas et il faut assister bêtement à une action en attendant que l'écrivain daigne nous donner les moyens de la comprendre pleinement. Et quand en plus du vocabulaire imaginaire vient se greffer là-dessus, j'en ai rapidement marre.

Par contre j'admire les histoires qui embarquent dans un univers méconnu mais dans lequel on trouve vite des repères et dans lequel on se sent à l'aise.
Je n'accorde pas tant d'importance à la première phrase que ça... Après tout, pour se faire une idée d'un livre, on va au moins à la moitié, ou au tiers; je ne trouve pas la première phrase si importante que ça, on l'oublie vite. Dans mon "roman" j'avais l'idée première d'un personnage assis dehors à fumer la pipe; je me suis concentrée sur l'image de la fumée bleue qui se délite dans l'air du soir, c'est tout. Après, c'est peut-être machinal; je n'aurais sans doute pas pu commencer mon histoire au milieu de l'après-midi; pour moi, le crépuscule est le moment de tous les possibles, donc je débute par là.
Pour résumer mon sentiment: ne pas submerger le lecteur d'informations, le baigner doucement dans l'atmosphère et lui révéler les choses une à une.
Voilààààààààààààààààà

Tu dois adorer le début de Le Rouge et le Noir, alors là,on a bien le temps de poser le décor... hihi
Je comprends ton point de vue, de toute façon il n'y a pas une recette pour un commencement.
Cependant un début dans l'action où l'on distille les informations sur le personnage et l'univers permet de stimuler l'imagination et de créer un imaginaire pièce par pièce, ce qui peut être très intéressant et intriguant pour le lecteur:tout l'art est dans ce que je révèle maintenant et ce que je révèle plus tard, c'est tout l'art de l'intrigue. Cela revient à ce que je disais: les manières de procéder pour l'ouverture sont annonciatrices du roman. En reprenant l'exemple de Brussolo, le début est sous le signe de la panique et de la confusion : c'est un livre de cauchemar, et dès le début on est projeté dans la peau du personnage, qu'on ne quittera pas.

C'est assez drôle parce que j quand j'achète un roman ou tout simplement un bouquin, je ne lis JAMAIS la première page. Je lis le quatrième de couverture, et je regarde le style de l'auteur et ouvrant le bouquin vers le milieu, je feuillète quelques pages...
Mais je suis d'accord, la première page est importante, dans le sens où elle place un certains nombre d'élements qui vont poursuivre le lecteur - et l'auteur- jusqu'à la dernière page... Et voilà, j'y viens. La première page est rarement la première page que j'écris vu que j'écris dans le désordre (mais j'ai suivi vos conseils, pour le livre que je suis en train d'écrire j'ai fais un plan détaillé chronologique et ça m'a aidé merci du conseil ) la dernière, c'est la pire. La dernière page, c'est celle qui à mon avis, doit laisser l'impression la plus forte au lecteur. La fin doit être suffisamment marquante pour que celui qui la lis s'en souvienne pendant des années. ( Je sais, je suis prétentieux). Ca m'a fait ça avec nombre de bouquins, et j'aimerai que ça le fasse aux autres avec les miens. J'ai bossé sur nombre de dernières pages, je n'ai jamais réécrit une première page de ma vie.
La dernière page, c'est la conclusion d'une oeuvre.
Enfin, peut être que finalement l'introduction est aussi importante que la conclusion.
Ouais, ça doit être ça.
Désolé, c'était bordélique. Comme souvent.

Moi aussi tiens j'écris dans le désordre, ce qui fait que la première page n'est pas la première que j'écrive. Enfin ça dépend. Comme Linaka, il arrive que le début de mon texte soit une image, une impression, que j'ai saisie au vol. Mais parfois aussi, le plus souvent en fait, l'idée que j'ai eue n'est pas un début.

En tant que lectrice, j'accorde beaucoup d'importance au début d'un livre, mais je n'en avais pas pris conscience avant de répondre à ce sujet. Tout à l'heure, je lisais : "Dans un trou vivait un hobbit. Ce n'était pas un trou déplaisant, sale et humide, rempli de bouts de vers et d'une atmosphère suintante, non plus qu'un trou sec, nu, sablonneux, sans rien pour s'asseoir ni manger : c'était un trou de hobbit, ce qui implique le confort." Quand j'aurais fini le livre, ce n'est pas ça que j'en retiendrai. Mais il n'empêche que pour moi c'est un excellent début : il nous emmène d'emblée dans un monde inconnu et insolite, et le style de la phrase indique un certain humour. Ces deux phrases à elles seules synthétisent le roman à venir.

Par contre, il est vrai qu'au moment d'acheter un livre, je m'intéresse plus à la quatrième de couverture (bien que de moins en moins, car les résumés sont souvent minables), et comme toi Erk je feuillette le bouquin. Le plus souvent je l'achète les yeux fermés, sur le nom de l'auteur.

Quant aux fins... je n'en ai jamais écrit!... j'exagère un peu puisque j'ai quand même quelques nouvelles achevées, mais la plupart ne le sont pas...

Très intéressant tout ça !

Pour ma part, je n'écris jamais que des premières pages. La première est souvent la dernière : je ne compte plus les ébauches de nouvelles que j'ai pu entreprendre... J'ai toujours envie d'écrire, par moments. C'est quelque chose que je tiens un peu enfoui, et qui se fait ressentir de temps à autre. Non pas que l'écriture ne tienne une place mineure dans ma vie, mais je suis un peu, comme Linaka l'a si bien dit dans un autre post, celui qui repousse au maximum le moment de faire les choses (écrire notamment).

Alors voilà : mes premières pages restent un peu lettre morte puisque je ne les fais pas lire à grand monde. Un début qui n'a pas de fin n'a pas de sens. Les idées et le style y sont (si j'en ai du moins), mais c'est toujours le développement qui pose problème. Ca c'est une autre chose dont je parlerai plus tard. De fait, je n'ai jamais appris à écrire, et aborde l'acte d'écriture de la même manière que celui de la lecture. Je commence un livre, et puis d'autres choses m'attirent, et je passe à autre chose. Même j'y reviens souvent.

Bref, que d'égarements... Voici tout de même ce que j'en pense de cette fameuse première page : la ou les premières phrases constituent pour moi une façon d'appréhender ce que sera l'esprit ou en tout cas l'univers d'un livre. La scène d'exposition est pour moi fondamentale ! Et après je me laisse transporter. La fin n'a pas pour moi nécessité d'achever. Après, je ne dis pas qu'une fin n'a pas d'importance mais si l'intrigue, le style et tout ce qui fait que l'on apprécie telle ou telle oeuvre m'a plu, alors la fin peut rester évasive, ouverte.

Alors oui, les premières pages me paraissent plus fondamentales que les dernières.

Me laisser happer, ah oui, ça j'aime.

Je prends beaucoup de plaisir à écrire des commencements... Moi aussi, j'en écris plus que de fins... Mes idées souvent ne trouvent pas d'aboutissement ou du moins assez de soutien pour perdurer et s'approfondir. Quant aux dernières pages, il m'arrive souvent d'avoir au milieu de mon histoire l'idée de la teneur et du ton de celle-ci, parfois je l'écris même en avance. Mais il n'y a pas vraiment de fin à chaque fois... C'est juste qu'il faut bien poser un point final quelque part, parce qu'une histoire, c'est une portion de temps, une portion de vie, une parenthèse. M'enfin je m'éloigne, là. Je ne me souviens presque jamais des fins de livres, bizarrement. Mais c'est vrai que c'est elle qui détermine l'impression qu'on gardera du livre, comme la conclusion d'une dissertation
J'ai rien dit de nouveau mais bon, pas grave

Ca me rassure de voir que je ne suis pas le seul à rarement finir ce que je commence...

Chez l'Admin et moi, c'est une vraie maladie Enfin surtout pour moi...

Ca peut être pas mal de tenter au moins de débuter une histoire; c'est d'autant mieux de la laisser tomber quand on voit qu'elle n'est pas viable, alors que d'autres s'obstinent (aaahh si Eragon avait pu lui aussi être laissé à l'état de première page! ).

Mais n'oubliez pas que nous sommes des créateurs, que nous enfantons des mondes; il est important de s'entraîner, donc de commencer quitte à ne pas finir, mais il est aussi important d'emmener à terme des histoires qui le méritent et de ne pas faire de tous nos enfants des foetus avortés; c'est dommage, et ça conduit je pense à céder à la facilité et à ne jamais dépasser cette difficile étape du "ça fait chier mais je continue". Est-ce qu'on est un véritable écrivain, au sens plein et "noble" du terme, quand on n'a rien terminé, rien achevé, quand on n'a pas fait le tour complet de ses possibilités et prouvé qu'on pouvait mener une histoire jusqu'au bout? C'est facile de commencer, et difficile de finir; mais parvenir à terminer c'est aussi ce qui fait de l'écriture un art.

*voix de la conscience off*

Tu veux nous faire déprimer ou quoi?

Ceci dit, tu as raison je crois. C'est pour ça que désormais je n'écris plus tout ce qui me passe par la tête, certaines idées ne sont pas viables, et il suffit de quelques semaines pour s'en rendre compte : quand au bout d'un moment elles n'ont pas évolué, qu'on voit bien qu'elles n'emmènent nulle-part...

J'ai du mal à finir mes bouquins parce que je suis pas inspiré tout le temps, parce que j'ai pas tout le temps le temps, et surtout, parce que finir un roman, c'est pour moi laisser des personnages avec qui j'ai eu une relation fusionnelle pendant plusieurs années. J'ai la sensation qu'on m'arrache le bide, et je suis souvent déprimé plusieurs jours après. C'est un peu comme... comment dire... comme accoucher sous X. Tu portes un truc en toi pendant des années, puis finalement, ça arrive à terme, et tu n'y reviendras plus jamais. ca me fait mal quelque part. Presque physiquement.

Et là, je suis ravie de n'avoir encore jamais rien fini

Ouiiiiiiiiiiiiii mais nooooooooonnn!

Non d'abord Kalys, grande folle, je ne veux pas vous faire déprimer mais vous motiver. Je m'inclus dans le lot, bien sûr, puisque je n'ai encore jamais rien de fini (enfin rien de sérieux), et je pense qu'il est bon parfois de voir les choses en face. En tous les cas c'est comme ça que je les vois ^^

En réponse à Erk, chère mère accoucheuse sous X, si on veut continuer dans la métaphore, il est bon aussi de développer ses enfants, de les amener à maturité... Si tu ne termines jamais rien, tes personnages ne donnent jamais leur pleine mesure, ni ton univers. C'est ainsi que je le ressens; de plus, il y a tellement d'écrivains qui n'ont jamais quitté leur monde, même après avoir terminé une histoire!
L'image que ça me donne, pour tous ces persos et mondes inachevés, c'est celle.. je ne sais pas trop, d'une belle chose en devenir mais qui a été abandonnée en route... C'est dommage, quoi ^^

C'est certain... Mais c'est quand même douloureux à s'en arracher l'âme. J'ai toujours un peu d'appréhension, mais en même temps mêlé à de la fierté, lorsque je finis un bouquin.

Mon dieu mais t'as fini combien de bouquins dans ta vie???

Deux recueils de poèmes.

Trois nouvelles. Un roman.

(Ah ouais maintenant que je l'ai écrit ça me paraît encore moins que ce que je croyais... Snnifffff )

Le roman c'est The Muzzikal Boxxx (désolée je ne me rappelle plus combien il y a de consonnes!!)? Tu sais que je l'ai jamais fini? Mu ne m'avait retrouvé, ou n'avait imprimé, que la moitié du manuscrit, du coup je n'ai pas pu le lire en entier... Serait-il envisageable que tu m'envoies une jolie pièce jointe avec un gros ruban pour que je découvre le texte en entier?

Ben je me rappelle même plus si je l'avais envoyé en entier à Muriel...
Je te l'envoie pas de problèmes, mais ai-je ton email...? Je vais regarder s'il y est dans ton profil, comme ça tu le donneras à Muriel.

Ps : je te fais confiance, tu le donnes à personne d'autre.

Promis! Croix de bois, croix de fer... Merciiiiii! (oui j'avais adoré ce que j'avais lu )