Blanche Neige et les lance-missiles - Catherine Dufour

Si comme moi vous trouvez les contes de fées niais et ennuyeux, si comme moi vous êtes fatigués des jolies histoires où le bien triomphe toujours et sans combattre, uniquement parce que le monde a la chance de pouvoir compter sur ses Super Gentils, permettez-moi de vous conseiller la lecture de Blanche Neige et les lance-missiles.
Premier volume d'une trilogie en quatre volumes – parce que Catherine Dufour n'aime pas les définitions trop contraignantes –, cette histoire met en scène une Blanche Neige complètement cinglée et mégalo, des princesses mal élevées et très débrouillardes, des anges qui s'ennuient, des démons à court d'idées, un infâme gamin nommé Bille Guette qui veut conquérir le monde, et pas mal de gens qui essaient juste de mener leur vie tranquillement, mais qui en sont constamment empêchés par tout un peuple féérique très facétieux et pas toujours très malin. Ce roman est assez difficile à résumer, car il comporte en réalité deux histoires, d'abord publiées dans des volumes séparés. Pour faire simple, et pour ne pas en dire trop sur l'intrigue, disons que la première partie raconte les déboires de Peau d'Âne, d'Aurore de Bois Dormant et de la Petite Vareuse Rouille. Que cela se passe il y a très longtemps, quand la terre était plate. Qu'à cette époque Dieu et Diable buvaient, et qu'ils ne glandaient pas grand-chose d'autre. Et que tout ça, c'était la faute à Bille, un sale gosse qui avait décidé de faire sauter ciel et enfer. Dans ce volume, on découvrira la faune féérique et on prendra deux-trois cours d'histoire, afin de bien se situer dans ce monde. On suivra plusieurs protagonistes, de manière à dresser une fresque représentative de ce monde délirant où la magie se pratique et se subit quotidiennement. On verra des Gragons, des nains, des spectres, des mages, des oiseaux qui parlent. Sans oublier le pauvre Azraël, à qui Dieu et Diable ont refilé le Purgatoire, un endroit où on s'emmerde profondément.
Dans le second volume, retour à notre bonne vieille terre ronde, et à nos déboires modernes. Mismas, une jeune scénariste de jeu de rôle, va se retrouver à filer un coup de main à quelques fées rescapées. Anciens ennemis, fées, démons et spectres devront s'allier pour porter le coup de grâce à Will Door, ex-Bille Guette et qui décidément a la peau dure.

Ne vous y trompez pas, cependant. Oui, vu comme ça, ce livre a l'air tout aussi délirant que crétin. Mais il ne l'est pas. Crétin, j'entends. Bien au contraire. L'humour est souvent un moyen d'aborder des sujets sérieux, et Catherine Dufour l'utilise comme tel. Vous serez surpris, à plusieurs reprises, de lire des pages pas vraiment marrantes sous leurs atours colorés. Bien sûr, l'univers demeure profondément fantaisiste. Mais le cynisme de l'auteur rafraîchit plus qu'on ne s'y serait attendu.
Par ailleurs, la seconde partie est l'occasion de lire parmi les plus belles pages de la littérature imaginaire actuelle. Trois fées à la langue bien pendue visitent les mondes en marge du temps. Et là, on se croirait dans un Pays des Merveilles qui aurait des cauchemars. C'est beau, poétique, et flippant.

Car s'il est des auteurs pour qui l'humour est aussi une façon de masquer leur inexpérience en matière d'écriture, ce n'est pas le cas de Catherine Dufour. Sa plume mordante est parfaitement maîtrisée, ses métaphores sont incroyablement expressives, et son style tout entier traduit un véritable travail, tant sur la langue que sur la narration. Je ne saurais que trop vous conseiller de vous y plonger, c'est un véritable régal pour tous les amateurs des lettres. Personnel, original, le style de Catherine dénote un vrai plaisir à jouer avec les mots et la syntaxe. Une bonne histoire, portée par une écriture innovante et délicieuse. Que demander de plus?

10/10, s'il faut une note!

Auteur : Catherine Dufour
Editeur : Le livre de Poche
Année : 2008 pour la présente édition

ça me donne bien envie de le lire, d'autant que je suis pas fan de littérature humoristique (sur tout un roman, j'ai du mal à accrocher), mais si l'humour n'est qu'un élément d'un roman réussi en tout point, je suis preneuse !

Juste pour une citation que j'aime bien de ce livre "-Ta gueule!"

C'est pas très gentil ça, Mott

Tu aurais pu en trouver une autre, moins... agressive?

Oui, certes, ce dernier post de ma part peut être mal pris. La citation n'est que le reflet de mon attachement à ce bouquin si corrosif que cela en devient jouissif surtout concernant la pleurnicharde . J'aurais pu parler du bûcheron aussi