Les Chemins de Traverses
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Débris et reliques

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Message  Kalys Mar 2 Sep - 17:24

J'ai passé une heure à relire les pages de mes nouvelles inachevées (sauf celle que j'avais protégée par un mot de passe - après toutes ces années, je ne m'en rappelle plus Laughing ). Je vois très bien à présent pourquoi je n'ai pas pu les terminer : le sujet en est vague, les personnages et les descriptions n'ont aucune consistance. Je voulais écrire ce qui me touchait, mais j'étais tellement impressionnée par ce que j'avais lu, que je copiais mes auteurs favoris, tous, en vrac, ce qui donne des textes creux d'où n'émergent que des clichés et des impressions de déjà-vu.
Je suis pourtant ravie de les avoir conservés, même si j'ai parfois rougi toute seule devant mon écran en relisant des passages aussi mauvais que "Là, les oiseaux de nuits étendaient leurs ailes sur les trottoirs maculés de chewing-gum et rejoignaient leurs antres de débauche, dans des clubs d’où se déversaient une musique violente et perverse. Là, les marginaux dévoilaient leur faces blanches, les voleurs leurs doigts rapaces. De la Seine montait un délicieux parfum de mystère. Souvent, je marchais le long des quais, la nuit, en imaginant combien de corps étaient enfouis dans la vase, sous la lisse surface noire. Le fleuve était un cimetière inexploré. Combien de suicidés reposaient dans ses eaux fangeuses, combien de victimes des innombrables meurtres perpétrés par cette ville royale ?" (Notez que je suis bien bonne de me ridiculiser ainsi juste pour mettre un peu d'humour dans ce post Very Happy ) Je suis contente, d'abord parce que garder tous ses écrits permet de repérer une évolution (et donc de garder espoir Wink ), mais aussi parce que ces pages sont vraiment des reliques au beau sens du terme : un souvenir de ce que j'étais. Elles m'aident aussi à mieux saisir les choses dont j'ai envie de parler, les thèmes récurrents, les rêves et sensations qui me sont propres.

Et puis, ce qui m'a frappé, c'est la force des sentiments que j'avais, la puissance des émotions. Tout se mêle, dans mes textes, dans un flot chaotique, et d'impression en impression, c'est vertigineux, tous ces mots qui s'entrechoquent.
Et je me demandais : à vous aussi, ça vous arrive, cette impression que même si avant vous écriviez moins bien, vous écriviez au moins, quelque chose de vrai? Quelque chose d'incroyablement violent, qui venait du fond des tripes? Moi, j'ai souvent l'impression de n'avoir... plus rien à dire... Comme si aujourd'hui je devais tout analyser, tout ciseler, pour écrire quelque chose, alors qu'avant les mots se déversaient continuellement de moi, parce que j'avais tellement de choses à hurler qu'elles sortaient d'elles-mêmes, sans quoi j'aurais explosé.

Cependant je ne regrette pas tout : je crois que si mes émotions étaient plus intenses, elles étaient aussi beaucoup plus douloureuses. J'avais mal, c'est pour ça que j'écrivais. Aujourd'hui je n'ai plus vraiment mal - même si je suis lasse -, mais c'est parce que je suis beaucoup moins nombriliste. Je suis, enfin, sortie de ma chrysalide. Et cela donne plus de profondeur à mes écrits. Ils sont plus... amples, plus complets. Comme des oiseaux qui enfin savent voler, vous voyez quoi.
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Message  Maloriel Mer 3 Sep - 13:55

Oui mes vieilles nouvelles inachevées ont le même problème que toi, j'ai un dossier spécialement consacré à elles sur mon bureau ! mais bon, je préfère réfléchir et analyser un peu plus afin de saper chaque jour qui passe le sentiment d'impuissance, la frustration qui est à la base de l'écriture : avoir besoin de s'exprimer tout en tâtonnant pour trouver les moyens. Je ne pense pas du tout que nous n'ayons plus rien à dire : la difficulté, c'est qu'aujourd'hui ce qu'on a à exprimer est infiniment plus complexe qu'un cri de douleur pure. et quand ça arrive, on peut toujours écrire une sorte de poésie en prose, un instantané dans un petit texte. (pour moi, le "journal intime" sert surtout à cela) On devient adulte, on construit au lieu de jeter des mots au hasard (Les petits poètes, selon Baudelaire, jettent au hasard les produits de leur "inspiration", et s'attendent à ce qu'ils "retombent en poèmes sur le parquet". Baudelaire n'était pas ce poète fiévreux écrivant à une vitesse extraordinaire le produit brut de sa souffrance, c'était un maître artisan qui en tirait des bijoux incroyablement légers, fins et translucides...). Personnellement, mon but est la beauté de l'oeuvre. et j'ai appris que la beauté en art n'est pas spontanée, elle ne l'est que dans la vie. Pour être artiste il faut réussir à concilier tout cela. A travailler la matière brute sans se torturer en pensant qu'on la dénature. Au contraire, l'artifice des mots est une clé, écrire c'est creuser pour accéder à l'essence... Si on est doué, la beauté du texte travaillé explose à la figure du lecteur qui en reste pantois Smile (c'est ce que je ressens quand j'écoute la BO du Seigneur des Anneaux, qui semble spontanément émerger d'un paysage sublime, et au grand jamais je ne me dirais que cela me semble moins "vrai", moins "pur", qu'une chanson d'adolescence de Manson bourrée de rage, je trouverais seulement cela plus grand, plus accompli) Pour atteindre à cela, je sais que je dois passer par cette frustration d'écrire de façon plus mesurée et réfléchie.
D'ailleurs quand on lit ton roman, on lit l'accomplissement de cette longue route, ton monde à travers le prisme sensible des mots, tout éclairé de poésie, et rien ne semble creux et fade, au contraire, c'est la vie qui chatoie à l'intérieur.
La violence est toujours là, sinon on ne suerait pas autant au travail.
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Message  Kalys Mer 3 Sep - 20:12

Eh bien j'avoue que je n'ai rien à ajouter Smile Je pense que je partage entièrement ta vision des choses, bien que je traverse parfois des périodes de découragement. Cela dit, tes compliments m'encouragent vraiment dans la voie que j'ai choisi d'explorer!
C'est vrai qu'il y a cette image tellement bien ancrée de l'artiste génial et complètement cinglé, capable de créer une œuvre titanesque et sublime sans faire d'autre effort que d'entretenir sa douleur. Je m'y réfère probablement plus que je ne devrai.

En tout cas (je pense que je reviendrai demain sur le contenu détaillé de ta réponse), je te remercie d'avoir élégamment passé sous silence l'infâme passage que je vous ai cité Laughing
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Message  Kalys Jeu 4 Sep - 12:12

Comme promis, voici une réponse plus complète.

Mu a écrit:Oui mes vieilles nouvelles inachevées ont le même problème que toi, j'ai un dossier spécialement consacré à elles sur mon bureau !

De même! Et cela représente pourtant pas mal de pages... Ce qui m'a semblé décevant, c'est que dans les plus récentes (elles remontent à trois-quatre ans peut-être), j'ai trouvé de bons passages : un style plus mature, des réflexions plus intelligentes, et des sentiments moins stéréotypés. Mais ces textes vont probablement continuer de languir au fond de leur dossier, car ils n'ont pas suffisamment de force pour évoluer. En un sens, ce sont des avortons, et donc, c'est un peu douloureux de les contempler (sans bien sûr pousser la métaphore trop loin - je ne suis pas spécialement triste) Smile

mais bon, je préfère réfléchir et analyser un peu plus afin de saper chaque jour qui passe le sentiment d'impuissance, la frustration qui est à la base de l'écriture : avoir besoin de s'exprimer tout en tâtonnant pour trouver les moyens.

Disons que le problème a plusieurs facettes. Parfois, il me semble que je n'ai pas besoin de m'exprimer : je ne ressens rien d'assez violent (joie, peine, autre) pour l'écrire. J'ai tendance à penser que les sentiments mitigés ne doivent pas être écrits, parce qu'ils n'ont pas d'intérêt. Je confonds souvent milieu et médiocrité.
Cependant tu as raison : il fut un temps où j'écrivais "avec mon sang" : en pleine rage ou en pleine exaltation. Or, pour écrire correctement, pour transcender l'expérience, il faut un minimum de réflexion. Sans quoi, comme tu le dis plus loin, on ne dépasse pas le stade du journal intime : aucun recul, aucune matière à réflexion, aucun moyen de toucher l'autre autrement qu'en lui envoyant une bonne baffe (ça fait du bien parfois).

Je ne pense pas du tout que nous n'ayons plus rien à dire : la difficulté, c'est qu'aujourd'hui ce qu'on a à exprimer est infiniment plus complexe qu'un cri de douleur pure.

Oui, je suis devenue un être infiniment profond et donc prodigieusement plus intéressant qu'un ado nombriliste lol

On devient adulte, on construit au lieu de jeter des mots au hasard [...] Personnellement, mon but est la beauté de l'oeuvre. et j'ai appris que la beauté en art n'est pas spontanée, elle ne l'est que dans la vie.

C'est d'ailleurs l'unique beauté qu'il y a à grandir : on y gagne le plaisir de construire et de dévoiler, plutôt que de ressasser encore et encore la même matière brute, belle mais informelle. Il y a dans l'adolescence un potentiel. Mais le marbre c'est joli surtout quand c'est sculpté, sans quoi, c'est juste un bloc, ça n'exprime pas grand chose (à part la force vive de la nature, et blablabla Wink)

Pour être artiste il faut réussir à concilier tout cela. A travailler la matière brute sans se torturer en pensant qu'on la dénature. Au contraire, l'artifice des mots est une clé, écrire c'est creuser pour accéder à l'essence..

Si j'avais pensé le contraire, jamais je n'aurais commencé à écrire. Je ne crois pas, n'ai jamais cru, que les mots dénaturaient l'expérience. Au contraire, ils l'enrichissent. Les mots n'ont rien d'artificiels, quand on s'escrime à les choisir le plus justement possible. Les mots dévoilent, ils n'abîment pas.

La violence est toujours là, sinon on ne suerait pas autant au travail.

C'est bien vrai, ça Smile
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Message  Maloriel Jeu 4 Sep - 20:33

Oui, c'est la faute de ce putain de mythe, ce beau tableau de Bethoveen échevelé, cette aura autour des poètes et des romantiques du 19ème, tout ça ce sont de gros mensonges, l'artiste maudit n'existe pas. Sa véritable malédiction c'est de trouver les mots, la couleur, la forme, la tonalité, la note, qui correspond à son vécu. C'est là qu'on se rend compte à quel point notre culture est imprégnée du romantisme. L'inspiration extravagante, j'y crois tout à fait, seulement je ne crois pas qu'une oeuvre d'art en résulte. Je demanderais bien son avis à Henry Miller, mais bon il est mort... parce que dans certains de ses livres, on dirait qu'il écrit en plein délire. Cela dit ses livres sont des fragments, des essais, des journaux de voyages, des journaux intimes...
Il y avait un beau style dans le passage que tu citais, c'est le fond qui effectivement était un peu...trop. Manquant de nuances. Mais tout le potentiel était là. Et quant à ces petits passages qu'on trouve bien, ils ne sont pas tout à fait perdus, car ils représentent le fil d'une réflexion... je pense qu'on les reprend toujours, d'une façon ou d'une autre. Et je t'avouerai qu'il m'arrive assez souvent de copier coller des passages de petits textes ou de journal intime dans un roman ou une nouvelle, parce que la réflexion s'y prêtait.
S'exprimer, ce n'est pas uniquement les sentiments, c'est aussi la pensée. Ce qu'on pense du monde, des personnes, du temps, de l'espace... Je pense qu'il faut arrêter d'être trop modeste. On veut écrire, eh bien forcément on émet des opinions, et c'est aussi bien. Les opinions n'ont rien d'absolu, mais elles méritent d'être entendues. Toutes.
Mais oui tu es devenue plus intéressante qu'une ado nombriliste parce que c'est avec le contact avec l'extérieur que se forge la pensée. Un monde replié sur lui-même est un monde qui meurt. Car à force de se nourrir de soi-même il n'y a plus de matière (souviens-toi, c'est entre autre le sujet du Rêve d'Alice).
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